Avertissement : L'histoire qui suit contient des détails qui pourraient troubler certains lecteurs. Si vous, ou quelqu'un de votre entourage êtes aux prises avec des problèmes liés à la question des femmes et filles autochtones disparues et assassinées, veuillez appeler la ligne d’écoute téléphonique d’urgence nationale sans frais au 1-844-413-6649. 

En 1981, pendant une froide nuit d'hiver, la sœur de Debbie Green, Laney Ewenin, est morte seule, sans souliers ni manteau, dans un champ gelé à l’extérieur des limites de la ville de Calgary. Elle avait 23 ans.

L'identité de la personne qui a laissé Laney dans cet endroit isolé, près de l'emplacement actuel d'un Costco, n'a jamais été confirmée. Le rapport de police sur son décès est introuvable et le rapport d'autopsie n'a été transmis à la famille que 35 ans plus tard. 

Malheureusement, l'histoire de la sœur de Debbie n'est pas un cas isolé. Des groupes autochtones comme l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), qui compilent le nombre de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées (FFADA), estiment qu'il existe 4 000 cas documentés. Le cas le plus ancien répertorié dans la base de données de l'AFAC remonte à 1944, mais il y a probablement des cas encore plus anciens.  

« Il faut que ça cesse, affirme Debbie, conseillère, Perfectionnement de la main-d’œuvre autochtone - Ressources humaines. Mes sœurs et moi parlons de notre histoire dès que nous en avons l'occasion afin qu'un jour les membres des peuples autochtones ne soient plus ciblés et tués. »

Même si elles ne représentent qu'une fraction de la population canadienne (environ 3 pour cent), les femmes autochtones sont douze fois plus susceptibles d'être assassinées ou portées disparues que toutes les autres femmes au Canada combinées. 

En 2019, le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) a été publié; il contenait 231 appels à la justice, dont la plupart n'ont pas eu de suite, et concluait que les actes de violence envers les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre autochtones au Canada constituent un génocide. 

Le 4 octobre, Debbie participera à l'une des vigiles des Sœurs par l'esprit organisées au pays en mémoire des FFADA. Pendant l'événement, certains marcheront, joueront du tambour et chanteront et prononceront des discours dans une marée de gens habillés en rouge. 

« Le rouge est la couleur que les esprits peuvent voir, explique Debbie. En portant du rouge, on permet à nos proches d'atteindre le monde des esprits, si ce n'est pas encore fait. »  

Debbie Green porte du rouge pour sa sœur, Laney, qui a été assassinée en 1981. Le 4 octobre, des vigiles seront organisées dans tout le pays en mémoire des milliers de femmes et filles autochtones disparues et assassinées.
Debbie Green porte du rouge pour sa sœur, Laney, qui a été assassinée en 1981. Le 4 octobre, des vigiles seront organisées dans tout le pays en mémoire des milliers de femmes et filles autochtones disparues et assassinées.

Le 5 mai (Journée de la robe rouge), on peut voir des robes rouges, qui sont devenues le symbole des FFADA au Canada et aux États-Unis, accrochées aux fenêtres, sur les terrains et même le long des autoroutes pour favoriser la sensibilisation aux FFADA. 

Que pouvons-nous faire?

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, lancée par le gouvernement du Canada à la suite d’un appel à l'action (numéro 41) de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, s'est échelonnée sur deux ans et a réuni 2 400 participants. Il faudra beaucoup plus pour mettre fin à cette crise, mais c'est quelque chose de possible. De son côté, Debbie ne croit pas qu'elle sera témoin d'une réduction drastique du nombre de FFADA de son vivant.  

« L'enquête explique aux Canadiens les mesures qu'il faut prendre, mais celles-ci ne sont pas encore mises en œuvre, précise Debbie. Jusqu'à présent, on peut comparer les efforts déployés aux travaux qu'on effectuerait au 48e étage d'un édifice alors qu'il faut d'abord apporter des changements structurels aux fondations de celui-ci. » 

Malgré la dureté de l'histoire de Debbie, elle trouve la guérison en parlant de Laney : « Je parle toujours de l'histoire de ma sœur pour la faire vivre. On peut tous lire des témoignages dans les médias, mais lorsque vous connaissez quelqu'un qui est touché par l’enjeu FFADA, cela prend un autre sens. »

Pour écouter Debbie raconter l'histoire de Laney et en savoir plus sur les FFADA, regardez cette video.