Randy Elm a grandi entouré de tissus, de fils et de machines à coudre. La mère adoptive de Randy avait cinq enfants et fabriquait la plupart des vêtements de la famille à la main. Lorsqu’il avait environ 10 ans, sa mère lui a offert une machine à coudre-jouet qu’il utilisait pour coudre des bouts de papier.

À l’adolescence, Randy a appris les bases de la couture dans son cours d’économie familiale. Lorsqu’il s’est marié, lui et sa femme ont reçu en cadeau une machine à coudre; c’est à ce moment que la passion de Randy pour la couture s’est rallumée.

« J’ai plus de machines à coudre que je ne voudrais l’admettre, affirme Randy. J’ai commencé par faire des courtepointes pour bébé et des mitaines en coton, puis un jour, j’ai essayé de coudre de la peau d’orignal que j’avais chassé pour confectionner des mitaines en cuir. »

Bien que les réalisations de Randy en couture méritent d’être célébrées, on ne raconte pas assez ce genre d’histoires. Randy, qui occupe le poste de conseiller principal, Perfectionnement de la main-d’œuvre autochtone, a été le premier enfant de ses parents autochtones. Il était un bébé en santé, mais sa mère avait la tuberculose au moment de sa naissance; il a donc passé les premiers mois de sa vie à l’hôpital. À six mois, Randy a été adopté par une famille non autochtone et a été élevé, comme il le dit, « à la manière des Blancs ».

Randy est un survivant de la rafle des années 1960, comme des milliers d’autres enfants autochtones au Canada, y compris deux des membres de sa famille adoptive, qui ont été retirés de leur famille biologique entre les années 1950 et 1980. Il a été élevé sans aucun lien avec sa culture autochtone ou sa famille biologique.

Un homme tenant une robe bleu foncé avec des rubans cousus le long des manches et sur l’ourlet inférieur.

Randy coud notamment des robes à rubans, comme celle-ci, qu’il a confectionnée pour sa fille.

La rafle des années 1960, marquée par une augmentation spectaculaire du nombre d’enfants autochtones dans les services de protection de l’enfance du Canada dans les années 1960, est considérée par beaucoup de personnes comme le prolongement du système des pensionnats autochtones. Sous prétexte de la protection de l’enfance, les autorités ont retiré bébés et jeunes enfants autochtones de leurs familles biologiques et les ont placés dans des familles non autochtones, et ce, souvent sans le consentement des familles ou des communautés.

« Quand j’étais jeune, je connaissais des membres de ma famille biologique, mais je croyais qu’ils étaient des amis de ma famille, explique Randy. Ma famille biologique m’a beaucoup appris. Ma tante, qui était une perleuse très douée, m’a d’ailleurs appris à coudre. Toutefois, c’est seulement à l’âge adulte que j’ai su que j’avais des liens de parenté avec ces personnes. »

Randy et Tamara, son épouse depuis 33 ans, ont appris à coudre ensemble. Tamara est aussi Autochtone et a été élevée de façon traditionnelle; elle a aidé Randy à renouer avec sa culture. Au fil des ans – et de nombreuses machines à coudre plus tard – Randy est passé de la confection de courtepointes pour bébé à la couture de robes et de jupes à rubans. Il a notamment confectionné une robe à rubans pour le mariage de sa fille et des mitaines en peau d’orignal pour le conseil d’administration de Suncor.

Un homme portant une chemise noire et se tenant au-dessus d’une table blanche; il utilise des ciseaux pour couper des patrons de mitaines dans de la peau de couleur beige.

Chaque article que Randy confectionne à la main est fabriqué avec intention et en gardant le destinataire en tête.

« Je peux fabriquer une paire de mitaines en peau d’orignal en quelques heures, affirme Randy. J’utilise la peau de l’orignal que j’ai chassé et je la fais tanner. J’utilise chaque partie de l’animal, dans le respect des méthodes traditionnelles. »

Randy est passé de la couture d’articles par nécessité, comme des étuis à couteaux qu’il utilise pour la chasse, à la couture d’articles qu’il offre en cadeau. Chaque cadeau qu’il confectionne à la main est fabriqué avec intention et en gardant le destinataire en tête.

Deux paires de mitaines en peau d’orignal avec de la fourrure aux poignets sur une table en bois.

Lorsqu’il confectionne des mitaines en peau d’orignal, comme celles qu’il a offertes au conseil d’administration de Suncor, Randy utilise la peau des animaux qu’il chasse.

« Je donne mes créations en cadeau à cause de ce que je ressens, dit Randy. Je peux sentir lorsque quelqu’un a besoin de quelque chose, et je comprends la différence entre avoir besoin de quelque chose et le vouloir. C’est pourquoi l’aîné Starlight m’a donné le nom de “chef de médecine”, ou Maskihkîy Okimawiw en cri, durant la cérémonie de montage du tipi au Suncor Energy Centre – parce que je sais de quelle médecine les gens ont besoin. »

Même s’il a grandi dans une famille aimante qui lui a inculqué la valeur d’une bonne éthique de travail et l’importance de la famille, Randy a senti une rupture entre lui et le monde dans lequel il a été élevé. La couture lui a permis de trouver d’autres liens.

« Il y avait un vide, et je peux encore le sentir, confie Randy. La couture m’aide à me sentir plus connecté – connecté à ma culture en intégrant les façons de faire autochtones à mon travail, et connecté aux autres personnes qui cousent. »

Randy travaille actuellement sur des couvertures pour bébé, qu’il offrira aux plus récents membres de sa famille : les jumeaux de sa nièce nés plus tôt cette année.