Vêtue d'une jupe à rubans à l'extérieur du palais de justice de Fort McMurray, en Alberta, Joy Flett tient une pancarte où l'on peut voir une photo ainsi que le nom de son amie d'enfance. Des larmes coulent sur ses joues lorsqu’elle regarde les nombreuses autres femmes autochtones qui tiennent le même genre de pancartes.   

Elles sont là pour réclamer justice pour Sherri Flett, une membre de la Première Nation Athabasca Chipewyan, disparue le 12 janvier 2022. Son corps a été découvert moins de deux semaines plus tard. Son présumé meurtrier est en détention.

À l'extérieur des murs en brique rouge du palais de justice, les femmes scandent, chantent et prient pour obtenir justice pour l'enjeu des personnes autochtones assassinées, disparues et exploitées.

Cette appellation remplace désormais celle de femmes et filles autochtones assassinées et disparues (FFADA). Joy explique que ce changement de nom a été apporté, car « nos femmes et nos filles sont importantes, mais nos hommes et nos personnes bispirituelles le sont aussi. Ils sont tous importants pour nous ».

Un groupe de femmes tenant des pancartes.
Joy Flett, deuxième à partir de la droite, devant le palais de justice de Fort McMurray réclame justice pour son amie Sherri et tous les autres Autochtones assassinés, disparus et exploités. 

Joy, conseillère dans l'équipe Relations avec les collectivités et les Autochtones de Suncor dans la municipalité régionale de Wood Buffalo, a participé aux recherches après la disparition de Sherri. 

« Nous n'étions pas parentes, mais Sherri et moi avons grandi ensemble. Nous habitions près l'une de l'autre, nous avons fréquenté la même école et nous avons même été colocataires à l’université, explique Joy. Elle avait 43 ans et laisse une fillette derrière elle. »

Mise à part Sherri, Joy peut facilement nommer plusieurs autres personnes autochtones qu'elle connaît et qui sont disparues ou ont été assassinées. Notamment le père de son fils.

« Ça a été très difficile. 20 ans plus tard, son meurtrier court toujours, explique Joy. Je continue pour mon fils et mes deux adorables petites-filles. Je m'en remets à la force de mes ancêtres. »

Joy participait à une séance sur MMEIP organisé par le réseau d'employés autochtones de Suncor afin de parler de la Journée nationale de sensibilisation pour les FFADA le 5 mai et la journée de la campagne Moose Hide le 12 mai.

Ces mouvements mettent l'accent sur les nombreux Autochtones victimes de discrimination systémique, de violence, de non-respect des droits de la personne et de crime.

« Nous voulons que nos femmes, nos filles, nos hommes et nos personnes bispirituelles cessent de disparaître et de vivre de la violence. »

Le rapport final de l’Enquête nationale sur les FFADA, Réclamer notre pouvoir et notre place, a été publié en 2019. Ce rapport contient le témoignage de 1 484 membres de famille et survivants et 231 appels à la justice. Le rapport dépeint un portrait accablant de l'ampleur des abus et de la violence subis par les Autochtones, surtout chez les femmes, les enfants et les personnes bispirituelles au Canada.

Pour Joy, le rapport renforce aussi les voix des femmes ralliées derrière Sherri : « Nous pouvons enfin dire "nous pouvons nous exprimer et nous n’avons pas peur de le faire". Pendant trop longtemps, nous avons été réduites au silence, nous avons dû nous taire et on nous disait que notre point de vue ne comptait pas, que nous n'avions pas de valeur. Mais au fil du temps, nous avons repris le contrôle – quelque chose qu'on avait retiré aux femmes autochtones.

Je n'ai pas peur de dire la vérité. »